II Vallini: sur les institutions

Publié le par Cohérence et Espoir 94

Merci à la section Jean Zay de Sciences-po

 
La deuxième partie de la rencontre avec André Vallini abordait la problématique de la réforme des collectivités territoriales. André Vallini, en plus d'être Président du Conseil général de l'Isère, est en effet membre du Comité d'experts présidé par Edouard Balladur aux côtés notamment de Pierre Mauroy.



PS Jean Zay : Quelques mois après la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui était censée marquer le renforcement des pouvoirs du Parlement, le choix de Nicolas Sarkozy de recourir à un comité non parlementaire n'est-il pas symptômatique de l'affaiblissement du rôle des parlementaires ?
AV : C'est vrai que c'est un symbole. Dans le même temps, les parlementaires ont réagi et Jean-François Copé a lancé un groupe de travail UMP à l'Assemblée nationale sur le même thème, tout comme Gérard Larcher avec une commission transpartisane au Sénat, pour proposer des pistes de réforme en parallèle. Quelle réforme aura-t-on au final ? Le travail de ces différents groupes, ajouté à toutes les publications sur le sujet sont complémentaires. Au final, ce sont les parlementaires qui voteront !


J'adore Balladur, c'est un homme exquis, avec sa courtoisie un peu désuète. Les débats du Comité sont de haute volée. Nous sommes actuellement dans une phase d'auditions. C'est passionnant ; le droit constitutionnel est après la justice pénale la deuxième passion de ma vie publique.



PS Jean Zay : Que penses-tu du non-cumul des mandats que les militants du PS demandent, mais que les élus de gauche, toi y compris, ne toujours respectent pas ?
AV : C'est vrai que je suis un affreux cumulard en tant que Président du Conseil général de l'Isère, avec un budget de près de 1,5 milliard d'euros pour 1,2 million d'habitants. Il est vrai que si je n'étais pas député, je serais sûrement un meilleur Président de Conseil général. Mais je délèguerais moins à mes quinze vice-Présidents. Il y a une technostructure bien organisée. Le cumul desm andats reste une exception française. C'est en partie dû au fait que les élus sont mal payés dans les petites villes. Le mandat parlementaire apporte une indemnité. Avec 4 500 salariés et 1,5 milliard d'euros de budget, je gagne 3 000 euros par mois en étant Président du Conseil général. Quelle entreprise payerait 3 000 euros pour quelqu'un qui est responsable d'un budget et d'équipe de cette taille ? Nous évitons les excès du passé avec Jean Médecin ou Jean Lecanuet qui cumulaient cinq ou six mandats. Maintenant, c'est seulement deux mandats...



PS Jean Zay : La dévalorisation du Parlement dont on parlait tout à l'heure ne s'explique-t-elle pas par le fait que les 577 élus ont des missions ailleurs ?
AV : Il ne faut pas être trop idéaliste là-dessus. Je l'étais comme vous avant. Si on a de simples députés, ils seront découpés de la réalité. L'élection dans les circonscriptions assure le lien avec le terrain, car la priorité de l'élu est d'être réélu. Si les députés étaient élus à la proportionnelle, on n'aurait que des apparatchiks de Solférino pour le PS et de la rue de la Boétie pour l'UMP. Le passage par le terrain maintient le contact avec la réalité : être au contact des "vrais gens", c'est la base de la politique. Ce n'est pas du populisme, c'est juste très important !



PS Jean Zay : C'est du paternalisme... ?
AV : Non, c'est être au service des gens. Cela passe aussi par les corps intermédiaires, les syndicats etc. Ils sont d'ailleurs très contents de rencontrer leurs députés. Etre sur le terrain, comme je le fais du vendredi au lundi midi et comme les autres dépuéts le font, permet de voir les réactions des gens. C'est bien mieux que les sondages. Encore une fois, avant je pensais comme vous, mais j'ai changé. La réalité politique c'est d'aider ceux qui sont dans la merde !



PS Jean Zay : Le PS a tendance à se satisfaire de ce rôle de gestionnaire au niveau local. Il faut peut-être développer la théorie derrière sinon on n'a plus rien à dire sur le terrain.
AV : Les deux sont nécessaires et complémentaires.



PS Jean Zay : Quelle est ta position sur le département ?
Je devrais dire que je défend le département comme je suis Président du Conseil général. Mais je ne le serai pas toute ma vie, heureusement... pour mes administrés ! Plus le Comité avance, moins on sait ce qu'il faut faire. Je pense qu'il faut en finir avec l'uniformité. J'étais plutôt jacobin, je crois à l'Etat. J'étais jacobin, je deviens girondin. Mais je dis attention aux dérives des potentats locaux et des chefs de région. Lorsqu'on est à la tête d'un département, on est très puissant, je peux vous le confirmer. il faut de la rigueur morale, car j'ai beaucoup de compétences, beaucoup d'argent, et le préfet n'a cessé de diminuer.


Il faut comprendre qu'on peut agir à la carte, avec des fusions à la carte entre départements, entre régions et départements. Il y aura aussi des réformes des modes de scrutin. Je pense qu'il faut laisser à la région ce qui concerne la compétitivité de la France : les grandes infrastructures, l'économie, l'industrie, l'agriculture, la recherche, le tourisme, plus les hôpitaux. Le département s'occupe du cadre de vie : on est plus humain quand on est plus proche, mais ça peut aussi être fait au niveau des intercommunalités. Il faut réfléchir aux échelons. Plutôt que modifier l'échelon région-département, il faut repenser les liens entre Etat et région, entre département et communes et intercommunalités.



PS Jean Zay : Cela se rapproche un peu du modèle allemand...

AV : Oui. Faut-il descendre à dix ou douze régions ? Ce n'est pas la taille qui compte, c'est l'efficacité !

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