Le système Sarkozy et la Caisse d'Epargne

Publié le par Cohérence et Espoir 94

L'affaire des 600 millions d'euros perdus sur les marchés par les Caisses d'épargne prend un tour politique. En déplacement au Québec, vendredi 17 octobre, quatre jours après l'annonce du plan d'aide européen en faveur des banques, Nicolas Sarkozy, en colère, a estimé que ce n'était "pas acceptable" et que "600 millions de perdu, c'est suffisant pour que les responsables sachent en tirer les conséquences"! Sur France 2, la ministre de l'économie Christine Lagarde s'est déclarée "vraiment, vraiment en colère, [alors que] tout le gouvernement est mobilisé pour prendre des mesures fortes, pour essayer de faire tourner l'économie". En dévoilant un plan de soutien des banques à 360 milliards d'euros, le 13 octobre, Paris avait réaffirmé que celles-ci étaient gérées avec prudence.

Dans son édition de vendredi, "La Tribune" explique que la CNCE, qui gère les excédents de ressources des caisses régionales, a essuyé de lourdes pertes "sur de classiques opérations de marché".


Vendredi, la Commission bancaire s'est rendue à la Caisse nationale des Caisses d'épargne (CNCE), pour enquêter. Elle doit savoir s'il s'agit d'une "affaire Kerviel bis" – ce trader accusé d'une perte de 4,9 milliards d'euros à la Société générale – ou d'une infortune liée au krach boursier.


QUATRE MISES À PIED


Si l'on en croit le rapport d'étape de la mission d'inspection de la CNCE, la perte n'a pas de caractère frauduleux. "Ce n'est pas Kerviel, il n'y a ni dissimulation ni intrusion informatique", glisse un dirigeant. La perte serait le fait d'un trader employé à la gestion pour compte propre – une activité en extinction – qui aurait dépassé la limite de risques fixée par la direction. Cette limite de risques, dite "value at risk" (VAR), fixe le niveau de risques maximal qu'un trader peut prendre quotidiennement. Elle est de 2,5 millions d'euros à la CNCE.


Le trader, chargé de couvrir les actifs face aux risques de marché, se serait trouvé en difficulté, le 6 octobre, jour du krach. Il serait sorti de son mandat, en prenant des positions de plus en plus élevées sur les dérivés actions en euros, du 6 au 10 octobre. Ces positions pariaient sur un rebond de la Bourse et la fin de la volatilité… L'inverse s'est produit ! C'est le vendredi 10 octobre que Julien Carmona, chargé des finances et des risques au directoire de la CNCE, est averti par son directeur financier d'un "dépassement de position". La perte semble limitée à 15 millions d'euros. M. Carmona a attendu le lundi 13 octobre au matin, pour alerter le directoire, notamment les dirigeants, Charles Milhaud et Nicolas Mérindol. Une mission d'inspection est diligentée. Son diagnostic affole : les positions du trader sont mises au jour dans des marchés volatils, les pertes potentielles se creusent d'heure en heure.


Lundi à 21 heures, M. Carmona appelle l'état-major de la banque et parle d'un problème grave. Mardi 14 octobre au matin, les pertes atteignent alors 300 millions d'euros. M. Mérindol, en accord avec le directoire, donne l'ordre de "déboucler toutes les positions", ce qui sera fait en 48 heures dans des marchés en chute. A 8 heures mardi, la Commission bancaire est prévenue. C'est elle qui met l'Elysée et Bercy au courant, le lendemain, mercredi 15 octobre au soir.


Les Caisses d'épargne ont mis à pied le trader et ses trois supérieurs hiérarchiques directs, accusés de ne pas avoir réagi immédiatement : son chef, le responsable du compte propre de la CNCE, qui n'aurait pas tenu compte d'une alerte risques, dès le 6 octobre; le trésorier, qui n'a pas stoppé les positions; et le directeur financier. Selon nos informations, la perte de 600 millions d'euros se traduira au final par une perte après impôts de 350 millions d'euros sur le compte de résultat.


Anne Michel

Publié dans Politique Economique

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