10,5 milliards pour les banques avec quelles contreparties?
Cela n'a pas trainé. Alors que l'autorisation de la Commission européenne ne date que de lundi, le gouvernement français a versé aujourd'hui les 10,5 milliards d'euros prévus dans le plan d'aide. Plus exactement, il a souscrit auprès des établissements les titres émis par ces derniers. Le communiqué de Bercy, ce matin, indique ainsi:
"Christine Lagarde Ministre de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi (photo), a annoncé le 20 octobre que la Société de Prise de Participation de l’Etat (SPPE) – c'est-à-dire l’Etat – était prête à souscrire pour un montant de 10,5 Mds€ à des titres super subordonnés (TSS) émis par les réseaux bancaires.
Christine Largarde a annoncé que l’Etat allait souscrire ce jour les TSS émis par Banques Populaires (0,95Mds€), BNP Paribas (2,55Mds€), Caisses d’Epargne (1,1Mds€), Crédit Agricole (3Mds€), Crédit Mutuel (1,2Mds€) et Société Générale (1,7Mds€). Ces titres sont constitutifs de fonds propres de base (tier 1)."
Ce plan a été très contesté. Par la Commission européenne qui estimait qu'il s'agissait d'une aide d'Etat (comme l'expliquait Jean Quatremer, Par Didier Migaud, député PS, que j'ai interviewé, qui trouvait qu'il manquait de contrepartie . Pour moi, le plus gênant est que les conventions signées entre l'Etat et les banques, qui fixent les contreparties des établissements à cet octroi inhabituel de fonds propres, n'ont pas été pas publiques. Ce qui permet de dire tout et n'importe quoi.
Ainsi, la procédure de remboursement des fonds octroyés. La Commission avait évoqué lundi "un mécanisme de sur-remboursement du capital" qui permettait de "s'assurer que la précense de l'Etat dans le capital des banques sera limitée dans le temps au strict minimum". Mais aucun détail n'avait été donné.
Hier, BNP Paribas, qui a été la seule banque à communiquer sur le sujet, a donné quelques précisions:
"Afin de mettre en place une incitation pour les banques à sortir du mécanisme de financement par l’Etat le plus rapidement possible, conformément aux souhaits de la Commission européenne, à partir de la première date d’anniversaire de la date d’émission, le prix de rachat à l’Etat sera progressivement majoré :
- De 1% de la valeur nominale entre le premier et le deuxième anniversaire
- De 3% de la valeur nominale entre le deuxième et le troisième anniversaire
- De 5% de la valeur nominale entre le troisième et le quatrième anniversaire
- De 7% de la valeur nominale entre le quatrième et le cinquième anniversaire
- De 9% de la valeur nominale entre le cinquième et le sixième anniversaire
- De 11% de la valeur nominale au-delà du sixième anniversaire."
La banque dévoile aussi des engagements déjà connus, notamment celui de "faire croître son encours global de crédits à l’économie française à un rythme annuel de 4% en 2009". Mais aussi des contreparties qui n'avaient pas été rendues publiques, comme le fait de "ne pas procéder à des rachats d’actions pendant la période de détention de ces titres par l’Etat, à l’exception des rachats permettant d’honorer ou de couvrir les programmes d’actionnariat salarié et les opérations de gestion courante du groupe".
Reste une grosse inconnue, les contreparties en matière de rémunération. Aujourd'hui, BNP Paribas n'en dit rien, ni Bercy, et les communiqués précédents de Bercy sont contradictoires avec ce qu'a indiqué lundi la Commission européenne.
Ainsi, le 20 octobre, Christine Lagarde indiquait avoir demandé aux banques qu'elles "adoptent des règles éthiques en matière de rémunération des dirigeants : plafonnement des indemnités de départ des dirigeants, abandon du cumul entre contrat de travail et mandat social et installation d’un comité des rémunérations."
Le communiqué de la Commission, lundi, ajoutait de nombreux autres éléments:
"Les banques bénéficiaires devront également s'engager à adopter des mesures en matière de rémunération des dirigeants et des opérateurs de marché (y compris les traders) et à respecter des règles d’éthiques conformes à l’intérêt général, ce qui comporte notamment des restrictions aux rémunérations des dirigeants. Ces règles prévoient également une limitation des indemnités de départ des dirigeants mandataires sociaux ainsi qu'une interdiction de toute indemnité de départ en cas d'échec du dirigeant ou de l'entreprise, ou en cas de départ volontaire."
Jusqu'à présent, personne n'avait parlé de restriction de rémunération pour les dirigeants. La France a-t-elle fait des fausses promesses à la Commission? J'ai interrogé les services de Bercy, et la Commission, mais personne n'a été capable de me donner d'explication.
Bref, en l'absence de transparence, la question des contreparties risque de continuer à faire polémique.
(photo: Reuters)